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1ère partie : état des lieux / constats

Juillet 2010 : la Fondation de France lance une grande enquête auprès de plus de 4 000 personnes et en tire les conclusions suivantes :

  • Un Français sur 10 souffre de grande solitude,
    c’est-à-dire qu’il n’a pas ou quasiment pas de relations sociales avec autrui.
  • Un Français sur 4 est en situation de « précarité relationnelle »,
    c’est-à-dire qu’il n’a accès qu’à un seul réseau social (travail, famille, amis, etc.).
  • Un Français sur 3 n’a pas de contact avec sa famille
  • Un Français sur 5 n’a pas ou quasiment pas d’amis
  • Une personne en emploi sur 5 n’a pas de relations sociales au travail

22 décembre 2010 : le premier ministre François Fillon déclare la solitude “Grande cause nationale de 2011”.

Qu’en est-il 3 ans après ? La même étude, menée avec une méthodologie identique afin de permettre une meilleure comparaison est sans appel :

  • 12% des individus âgés de 18 ans et plus sont en situation d’isolement, contre 9% en 2010 ;
  • à l’autre extrémité du spectre et de façon symétrique, la part des Français ayant quatre réseaux actifs ou plus a diminué de 12% à 8% ;
  • 30% des Français n’ont qu’un réseau de sociabilité actif, contre 23% en 2010.

L’enquête de 2014 témoigne également de l’affaiblissement des grands réseaux pourvoyeurs de sociabilité :

  • 25% des Français ne disposent pas d’un réseau amical actif contre 21% en 2010 ;
  • 39% des Français n’ont pas ou peu de contact avec leur entourage familial contre 33% en 2010 ;
  • 36% n’ont pas ou peu de contact avec leurs voisins contre 31% en 2010 ;
  • 20 % des actifs ne disposent pas d’un réseau professionnel générateur de relations sociales régulières.

L’enquête de 2014 met par ailleurs en évidence trois tendances lourdes :

  • la progression de l’isolement chez les personnes âgées ;
  • la difficulté croissante des individus à développer leur sociabilité de proximité ;
  • la difficulté accrue des individus à diversifier leur vie sociale.

Le message est clair : la solitude progresse !

Qu’en est-il du monde des étudiants ? Selon une note de l’Observatoire national de la vie étudiante intitulée “Les étudiants, une population inégalement protégée en matière de santé”, 25 % des étudiants souffrent d’isolement. Dans la troisième enquête nationale de la mutuelle étudiante LMDE, “Santé et conditions de vie des étudiants”, publiée en 2012, 19 % d’entre eux avaient vécu une période continue de quinze jours de tristesse ou de perte d’intérêt. “Et, sur ces 19 %, 44 % se disaient seuls, 19 % entourés et seulement 12 % très entourés”, souligne Vanessa Favaro, présidente de la LMDE.

En déclarant la solitude “Grande Cause nationale 2011”, le Premier ministre désirait combattre un mal social qui, disait-il, “porte atteinte aux valeurs de solidarité et de fraternité de notre pacte républicain”. Il voulait, “Contre l’oubli et l’indifférence, réveiller notre capacité d’indignation !

2ème partie : analyse / diagnostic

L’étude de la Fondation de France remarque encore que :

37 % des Français jugent qu’il est difficile ou très difficile de rencontrer des gens et de discuter avec les autres autour de chez eux. Ces sentiments se traduisent de manière factuelle. Connaître des gens autour de chez soi, discuter avec eux, s’avère de plus en plus rare :

  • 24% des répondants disent qu’ils « ne connaissent personne ou pratiquement personne autour de chez eux » (ils étaient 17% en 2013) ;
  • 18% déclarent qu’ils « ne rencontrent jamais ou pratiquement jamais de personnes qu’ils connaissent lorsqu’ils font leurs courses ou se promènent dans leur quartier ou leur village » (17% en 2013) ;
  • 21% ne s’arrêtent « jamais ou que très rarement pour discuter lorsqu’ils font leurs courses ou lorsqu’ils se promènent dans leur quartier ou leur village » (18% en 2013).

— Fin de citation —

Jean Furtos, rapporte dans “Les effets cliniques de la souffrance psychique d’origine sociale” que “lors d’un congrès à Paris, un sociologue de Montréal faisait état d’une grève des policiers de sa ville qui ne pouvaient supporter que trop de personnes pauvres et précaires cherchent à leur parler par téléphone ou directement, ce qui les empêchait de faire leur métier”. Il souligne à cet effet que “la précarité sociale ne doit pas être confondue avec la pauvreté”. Un article de Lyon Capitale assène qu’“aujourd’hui, la précarité n’est plus la même, elle détruit plus que la pauvreté. Il faut dissocier la pauvreté qui est d’avoir peu, de la précarité qui touche dorénavant des cadres supérieurs. Ces derniers peuvent présenter les mêmes symptômes de précarité que des SDF. […] C’est une errance. Celle d’un SDF qui va de ville en ville ou celle d’un PDG qui va d’Hilton en Hilton en abandonnant sa famille. Le lien social est rompu.”

Pourquoi est-ce si difficile de se faire des amis, de “connaître”, “rencontrer” ou même simplement “discuter” ?

Jean Furtos note que cette précarité est un phénomène de société d’une ampleur sans égal : “Il est de plus en plus difficile d’avoir confiance en soi, en autrui, dans son travail, aux politiques, dans l’avenir. Une vision décadentiste de notre société s’est installée, renforcée par la crise actuelle. Cette souffrance peut stimuler certaines personnes qui s’en sortent en construisant du réseau, du lien. Mais d’autres perdent la capacité à demander de l’aide et évoluent, même s’ils ont du travail, vers un isolement puis une paranoïa : “les gens me veulent du mal”. L’étape suivante est l’auto-exclusion. L’individu ne se sent plus digne d’appartenir à l’humanité, à son groupe social. Ce syndrome s’observe dans toutes les couches de la société. Des gens de la rue aux grands traders.” (ibid)

Ne serait-ce pas simplement parce qu’on a peur ? Peur d’être incompris, jugé ou méprisé ?

3ème partie : objectifs / plan d’action

Grandes lignes

  • L’objectif est de lutter contre la précarité qu’engendre les solitudes.
  • Pour lutter contre ces solitudes, il va falloir créer un lien social en dehors des réseaux standards qui ne jouent pas ou plus leur rôle (éloignement familial, déménagement…) ou qui ont généré une fracture (divorce, licenciement…).
  • Ce réseau privilégiera les rencontres et les mixités
  • Pour que ces rencontres puissent produire le lien que les lieux communs ne produisent pas, il apparaît donc comme essentiel de créer un lieu dans lequel règne une atmosphère qui dissolve la peur.
  • Pour que ces rencontres se transforment en liens forts et structurants, il faut engager ceux qui ont goûté à ce lien à passer de consommateur à acteur.

Objectifs

Les causes, comme les formes de solitude sont très variées. Il y a les solitudes visibles résultantes d’un isolement familial, social ou professionnel et celles liées à une rupture ou à un handicap. Il y aussi des formes plus sournoises.
Une personne peut même se sentir seule tout en ayant des réseaux actifs, mais dans lesquels elle se sent “étiquetée”. Rejeter cette étiquette peut s’avérer trop difficile et la solitude peut alors s’installer intérieurement.
Il y a aussi des solitudes très ponctuelles, comme celle de l’étudiant qui attend son train. Cette solitude d’un moment, suivant le contexte de cette attente, peut être source de fragilité.

L’objectif à atteindre est très précis dans sa définition, mais très vaste dans sa réalisation.

  • Réinstaurer le lien social, le dialogue et la solidarité.
  • Faire partager des moments conviviaux et reprendre goût à des activités collectives.
  • Redonner confiance en soi.
  • Redynamiser les personnes en précarité sociale repliées sur elles.

Enjeux

Jean Frutos rapporte que “dans l’ouvrage Malaise dans la culture, Freud évoque précisément la souffrance d’origine sociale comme le type de souffrance le plus difficile à accepter par le sujet humain”.

Le bonheur passe par de bonnes relations sociales. Se sentir intéressant, apprécié, important, utile à quelqu’un.

Trouver ou retrouver du plaisir à parler, écouter, échanger.

Publics

Pour répondre aux objectifs, le public visé est le plus large possible.

Actions

L’ouverture d’un lieu de rencontre neutre qui ne soit officiellement rattaché à aucun thème ou éthique pour que chacun puisse se sentir libre de ses propres convictions.

Ce lieu visera à :

  • Favoriser l’écoute et le respect, ainsi que la découverte mutuelle, la compréhension, la bienveillance : temps de parole, conférences, échanges de savoirs, animations collectives avec brassage social ou tout simplement sur des temps informels autour d’un café.
  • Faire des choses ensemble : être à l’affût de tous les prétextes d’activités communes, en écoutant les désirs exprimés ou sous-jacents du public (repas communs, repas ou goûters solidaires – chacun amène quelque chose et partage avec les autres)
  • Favoriser l’accès des personnes en difficultés à la culture.
  • Proposer des ateliers (utilisation de l’outil informatique, découverte de langues, d’autres cultures…)
  • Moyens

Humains

  • Des membres responsables constitueront un conseil d’administration qui veillera à ce que les objectifs de l’association soient toujours remplis.
  • Des membres actifs apporteront au sein de l’association la vie nécessaire à l’accomplissement des objectifs.dans le respect de ce projet, des statuts et du règlement intérieur.
  • Des membres adhérents prouveront par leur adhésion leur engagement à refuser la solitude.

Matériels

Un lieu : 160m2 en plein centre ville.

Un espace accueillant, ouvert à tous, ouvert pour tous. Les maitres mots en seront : convivialité, simplicité et confort.

Un lieu où l’on pourra simplement rentrer, s’assoir… ou pas, boire… ou pas, manger ou pas…

Un comptoir, une ou deux tables repas-salon de thé, un coin plus cosy avec une lumière plus tamisée et une bibliothèque, un coin enfants avec des jeux adaptés.

Pour les jeunes collégiens ou étudiants, un coin jeux avec un baby-foot, fléchettes… Une salle d’étude, une salle de musique avec un piano.

Une salle qui puisse servir à des entretiens plus personnels…

Des soirées à thème, discussions, chant, théâtre, atelier de patois, conférences…

Parmi les services on peut noter en vrac et sans aucune exhaustivité  : Boissons sans alcool, restauration rapide, jeux, toilettes, table à langer, bibliothèque, wifi « propre », impression, photocopie, reliure, musique…

Financiers

L’association a pour but d’être autonome quant à son fonctionnement.

Elle ne s’appuiera que sur du personnel bénévole. Les frais de fonctionnement sont les frais liés à l’usage des locaux et aux prestations offertes.

Les cotisations des adhérents, la vente des consommations et de divers produits devront couvrir ces frais de fonctionnement.

Pour ses investissements, l’association pourra faire appel à des mécènes privés.

4ème partie : conclusion

Audacieux est assurément le qualificatif qui semble convenir à un tel projet !

Mais devons-nous limiter nos ambitions ou laisser gronder en nous cette indignation “contre l’oubli et l’indifférence” tel que nous y avons été enjoins par les pouvoirs publics alors même que la situation apparaissait moins urgente qu’aujourd’hui ?

Les défis sont de tous ordres. Le plus grand sera sans doute celui de rester constamment focalisé sur le bien-être des personnes et non sur les moyens pour y arriver.

« Mieux vaut une portion de légumes avec l’affection qu’un bœuf gras avec la haine. »*.